« Mon corps a toujours été mon pire ennemi. Le fuir et battre en retraite face à l’image qu’il me jette au visage a toujours été un moyen de self défense chez moi…
Un lourd passif de personne en surpoids a sans doute majoritairement contribué à ce reflet que je vois dans le miroir, reflet qui aujourd’hui est largement déformé, tant je n’ai eu de cesse de combattre ce corps pour le modeler selon MA volonté et non la SIENNE, jusqu’à l’en détester viscéralement lorsqu’il tend à me résister, oubliant qu’il faisait partie intégrante de moi-même.
Dans mon esprit je suis et serai toujours ce garçon de 10 ans ou cet ado de 15 ans qu’on traitait de « gros lard » au collège, dont on se foutait en cours d’EPS au lycée et à qui l’ont donnait de charmants nom d’oiseaux tel que « bovin », « pachiderme » et d’autres appellations toutes plus inventives et destructrices les unes que les autres. Quand soudain, des mains tendues, des rencontres, s’offrent à vous dans la réappropriation de votre image par le biais d’un changement radical de votre hygiène de vie, des personnes qui ont avant tout su voir votre beauté intérieure plutôt que ne vous juger sur votre enveloppe. 20 kilos en moins plus tard… si j’ai gagné en assurance, mon concept de la pudeur n’a lui guère évolué. Montrer mon corps reste pour moi un défi, presque un gros mot trop vulgaire à oser dire face à quelqu’un, presque une insulte tant la souffrance passée demeure et tant je DETESTE encore ce corps autant que j’essaie de l’aimer, car il ne me lâchera jamais. Aussi ai-je décidé, au travers du projet MODESTY, de ne pas le lâcher non plus et le prendre par la main pour faire table rase.
J’ai 33 ans. Il est temps d’accepter la réalité des choses, de faire une franche poignée de main à ce que je vois comme « un gros ventre débordant », des vergetures disgracieuses et marquées semblables à des crevasses, une peau abîmée par mes excès passés.Pour leur dire OK, on s’est assez mis sur la gueule, je vous ai aussi dénigré, insulté, j’ai assez fait peser sur vous les raisons de ma tristesse, mon mal-être, je vous ai assez rejeté dessus la mauvaise image que je me faisais de moi!
MODESTY! est l’occasion de me regarder droit dans les yeux en tant qu’un tout un ensemble, et non pas qu’en tant qu’une personne morale, pour ainsi dire une « âme », mais bel et bien un tout physique et psychologique. Je n’aime pas mon corps, mais depuis quelques temps déjà, j’ai décidé que j’allais apprendre à le faire, à rejeter cette idée que jamais je ne l’aimerai. Arrive un moment ou faire la paix avec votre pire ennemi soulage plus votre lourd sac à dos émotionnel qu’un combat perpétuel et voué à l’échec. Et vous avancez plus léger…
La pudeur, pour moi, a toujours été lié au corps. Je n’ai jamais été pudique des sentiments. Hypersensible de nature, je n’ai jamais, ou du moins en ai-je la ferme impression, joué les durs, les « bonhommes » insensibles, comme beaucoup d’hommes le font, je trouve, passés au rouleau compresseur d’une société ou l’Homme doit être le sexe fort, la Femme, le faible. Aussi ai-je toujours été assez expansif au sujet de ce que je ressentais, quelque que soient les émotions en jeu. Je partage avec mes amis certaines des émotions qui pour la plupart équivaudraient sans doute à une mise à nu. Pas pour moi. Je ne me sens pas nu en écrivant ces lignes. Le vrai défi constitué par MODESTY se place pour moi dans les images. Dans le visuel.
Dire « je suis triste » à un ami est bien moins compliqué pour moi que d’enlever mon t shirt devant ce même ami. J’ai donc avec ce projet franchi un petit pas pour la série de Sébastien, mais un grand pas pour moi. »
Ric